Depuis près de 40 ans les R.E.R.S. (réseaux
d'échanges réciproques de savoirs) proposent à chacun d'être partie prenante de
la circulation et du partage des savoirs.
Ils font le pari que c'est une question à
construire, à réfléchir ensemble, que les savoirs de tous sont des biens communs
pour chacun et notre société, et qu'il n'y a pas lieu ni de hiérarchiser ni de
comparer les savoirs.
Ces réseaux et de nombreuses associations, habitants, établissements scolaires, entreprises, sont, sur tout le territoire et dans le monde, porteuses de ce projet en constante construction.
Ces réseaux et de nombreuses associations, habitants, établissements scolaires, entreprises, sont, sur tout le territoire et dans le monde, porteuses de ce projet en constante construction.
Ils proposent régulièrement et avec succès,
des fêtes, qui montrent la multiplicité, la diversité et la richesse des
connaissances des citoyens et des territoires.
Les savoirs, un patrimoine commun?
En 2014 le projet
collectif d’un festival « Savoirs en fête » , est initié par les
RERS® :
Ils proposent d'organiser un événement, une fête des savoirs qui serait un moment convivial et d’apprentissages partagés partout ,sur tous les territoires, pour :
Ils proposent d'organiser un événement, une fête des savoirs qui serait un moment convivial et d’apprentissages partagés partout ,sur tous les territoires, pour :
- Rendre visible la richesse de toutes les
personnes comme « porteuses » de multiples savoirs.
- Rendre visible la richesse de la société : tous
les savoirs de tous sont des biens communs, notre patrimoine, sont des
richesses possibles pour tous les autres.
- Affirmer que le partage réciproque de tous ces
savoirs est une chance pour chaque personne et pour la société.
· Car il s’agit :
- de contribuer à montrer que notre société peut
être encore davantage une société apprenante et que chaque personne peut
apprendre.
- d’inviter chacun à contribuer à la circulation
des savoirs : chacun peut transmettre.
- de montrer que chacun peut être acteur de cette
mise en circulation ouverte des savoirs.
- d’enrichir ainsi du vivre ensemble juste,
solidaire (se rendre plus solides ensembles) et digne pour tous.
- d’affirmer la richesse de la réciprocité en
matière pédagogique, culturelle et politique.
Comment ? Quand ?
Le 11
octobre, un jour reconduit chaque année, pour en
faire une fête nationale à l’instar de la fête de la musique, et qui pourrait
s’étendre hors de nos frontières.
Une initiative partagée ?
Des fêtes des savoirs sont organisées par les
Réseaux d’échanges réciproques de savoirs® dans un certain nombre de villes, de
quartiers, de cantons sur le territoire où ils se déploient, seuls ou avec
d’autres Réseaux et avec d’autres partenaires. Ils y associent le maximum de
citoyens et d’organisations : associations, institutions (écoles, lycées, CFA),
chercheurs, professionnels de tous ordres (ouvriers, commerçants, employés,
scientifiques, enseignants, chercheurs, etc.).
Dans les lieux publics ou semi-publics, dans les mairies, dans les écoles, chez les commerçants, dans les bibliothèques, etc.
A l’endroit où cette fête sera organisée, ce seront les personnes concernées qui choisiront sa durée, son organisation, ses formes, bref, qui l’inventeront à leur façon.
Avec un principe commun : chaque participant proposera de transmettre des savoirs, et d’accompagner celles et ceux qui voudront, au moins, commencer à les découvrir.
Chacun sera également invité à découvrir des savoirs des autres.
Dans les lieux publics ou semi-publics, dans les mairies, dans les écoles, chez les commerçants, dans les bibliothèques, etc.
A l’endroit où cette fête sera organisée, ce seront les personnes concernées qui choisiront sa durée, son organisation, ses formes, bref, qui l’inventeront à leur façon.
Avec un principe commun : chaque participant proposera de transmettre des savoirs, et d’accompagner celles et ceux qui voudront, au moins, commencer à les découvrir.
Chacun sera également invité à découvrir des savoirs des autres.
ALSACE,
BOURGOGNE, CENTRE, ILE DE FRANCE, LORRAINE, MIDI PYRÉNNÉES, NORMANDIE, PAYS DE
LOIRE, RHÔNE-ALPES
En 2013, avant le lancement national et sur plus de
85 lieux en France, des avant premières réussies sur tout le territoire :
Quelques exemples :
Les Réseaux d’échanges réciproques de savoirs® du
canton d’Agon-Coutainville (50), d’Evry (91) de Mulhouse (68), du
Nivernais-Morvan (58), ont déjà mis en place des expériences pilotes.
Une initiative soutenue par ?
le comité d’alliés (http://rers-asso.org/qui_allies.html)
du Mouvement français des Réseaux d’échanges réciproques de savoirs® entre
autres :
Edgar Morin,
André de Peretti, Pierre Frackowiak, Philippe Meirieu..
Penser et projeter ?
Faire société en favorisant l’accès aux savoirs
pour tous, par tous, tout au long de la vie… Penser ensemble la question des
savoirs et leur circulation, parier sur un territoire apprenant est un projet à
construire avec toutes les personnes intéressées, avec le plus d’organisations
possibles : associations d’éducation populaire, mouvements pédagogiques,
universités, établissements scolaires, administrations, entreprises……et tous
les citoyens.
le 20 septembre 2014 à Paris lancement national du festival
Des
soutiens au projet « Savoirs en fête »
Festival des savoirs partagés
Parrainé par Edgar Morin et André De Peretti
Lancement de savoirs en fête, septembre 2014
Lancement de savoirs en fête, septembre 2014
EN COMPAGNIE ENTRE AUTRES DE HENRIANNE DE CHAPONNAY , DOMINIQUE
FAUCONNIER
Pierre Frackowiak
La philosophie des réseaux, l’école, l’éducation et la fête.
La refondation de l’école, et au-delà de l’école, de
l’éducation globale et tout au long de la vie, sur un territoire défini, était
une exigence au regard des problèmes de notre société et d’une vision
démocratique et humaine du futur. Hélas, le problème du temps scolaire (et non
des rythmes scolaires, formule qui n’a pas de sens) a totalement occulté la
refondation. Pour beaucoup de citoyens, la refondation est faite avec la
réduction de la journée scolaire et la juxtaposition étanche d’activités
diverses, secondaires. On peut toujours dire que les autres problèmes qui se
posent à l’école sont à l’étude : les programmes et le socle, les projets
éducatifs de territoire vrais, et qu’ils seront résolus dans 2 ou 5 ans, on
aura raté quelque chose de fondamental.
Dans ce contexte morose
et parfois désespérant, les RERS peuvent apporter de l’oxygène pour l’action et
de l’espoir pour l’engagement citoyen. Mobiliser tous les porteurs de savoirs sur un territoire,
qu’ils aient un BAFA ou non, qu’ils aient bac + 0 ou bac +10, leur conférer la
dignité qu’ils méritent, développer les échanges de savoirs à tous les
niveaux : entre élèves, entre enseignants, entre parents, entre école et
parents, entre habitants du quartier ou du village, entre les catégories
sociales, entre les habitants citoyens. Les plus grands spécialistes oublient
toujours que l’une des causes majeures des inégalités et de l’échec scolaire
est le refus de prendre en compte les savoirs initiaux, extérieurs à l’école,
comme s’ils étaient méprisables ou comme si tous les êtres étaient des tables
rases, sans vécu et sans savoirs. Pour reprendre un exemple que j’utilise
souvent : on impose à un enfant de CP en difficulté les pa pe pi po pu de
la méthode X ou Y, quand on y ajoute pas des pictogrammes, des objets, des
mimiques ou des gesticulations qui l’éloignent encore du sens, en refusant de
considérer qu’il sait des choses, qu’il connaît et reconnaît des mots, qu’il y
a de l’écrit chez lui, même s’il n’y pas de livres, et que ses parents ne sont
pas des nuls parce qu’ils ne maîtrisent pas le langage et les codes de l’école.
La fête des savoirs
peut avoir un impact important dans le développement de la culture de la
connaissance. La
fête de la musique dans ses meilleurs moments a fait que l’ancien mineur
accordéoniste autodidacte a joué dans la rue, assis sur une chaise devant sa
maison, qu’un groupe de jeunes dont l’école ignorait complètement les talents,
a pu se produire au jardin public, que les musiciens traditionnels ont pu
succéder à des prix de conservatoire sur les tréteaux, etc. La fête des savoirs
doit montrer que tout être humain est
porteur de savoirs et peut les partager avec d’autres, les renforcer et
évoluer, ou simplement exister face aux monde des experts et des savants.
La fête des savoirs
trouvera sa place dans le projet éducatif de territoire si cette belle idée se
concrétise, si elle n’est pas étouffée par la technocratie, les réglementations,
les évaluations, les contrôles et la domination des systèmes.
Quel beau projet cette
fête des savoirs qui peut redonner à l’enfant et à l’homme toute sa place dans
la société, et cultiver cette belle idée qu’apprendre et partager ses savoirs
peut donner du plaisir !
*****
Gaston Pineau
Professeur honoraire,
Université de Tours
Chers amis,
Super, ce projet de fêtes des savoirs. Une
fête des savoirs pour construire un gai savoir, dans la dynamique des
troubadours, Rabelais, Nietzsche... et en réseaux avec toutes les amoureuses et
amoureux de la vie.
Je vais aider à l’implanter au Québec avec
André Vidricaire et le réseau québécois
Donc bonne fête à
toutes et tous.
En admiration devant vos savoirs en actes
*****
Philippe Meirieu
Professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon 2
Professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon 2
Les savoirs ne valent que parce
que, tout à la fois, ils s’exposent et se partagent, parce qu’ils enrichissent
tout autant ceux qui les transmettent que ceux qui les reçoivent, parce qu’ils
créent du lien social, libèrent et unissent les humains dans une démarche
joyeuse et contagieuse. Les savoirs ne valent que parce qu’ils suscitent le
désir de savoir plus et mieux, parce qu’ils donnent accès au plaisir de
comprendre, et nous rendent en même temps plus lucides et plus solidaires. Les
savoirs, c’est la fête. Et, pour que tous ceux qui apprennent fassent de
l’apprentissage une fête, participons à “Savoirs en fête”.
*****
Catherine Chabrun,
militante de la pédagogie Freinet
Responsable de
publication dans l’ICEM (Pédagogie Freinet)
Quand on se penche sur la définition du mot
« échange », il signifie le fait de céder un bien moyennant une
contrepartie. Par extension, il désigne toute circulation de matière,
d’énergie, d’information… et donc toutes sortes d’interactions humaines. Il
s’impose même à des situations dénuées de calcul comme les échanges d’idées,
pourtant on ne perd pas une idée en la communiquant, bien au contraire elle va
s’enrichir en se confrontant à celle de l’autre.
Dans l’échange économique, la compréhension mutuelle n’est
pas le but de la relation, mais un moyen pour acquérir des biens. Dans
l’échange de savoirs, ce qui devient essentiel, c’est l’émergence de valeurs
telles que l’amitié, la confiance, la responsabilité, la justice… valeurs qui
ne se quantifient pas, mais qui font lien, société et humanité.
Dans une relation d’échange de savoirs, chacun s’enrichit
simultanément : le donneur s’enrichit de ce qu’il donne, le receveur s’enrichit
de ce qu’il reçoit, et lorsqu’à son tour il donnera, il s’enrichira encore de
ce qu’il donnera, un enrichissement perpétuel !
On se prend l’envie d’imaginer l’échange de savoirs devenir
un modèle pour les relations économiques entre les hommes : la production
de marchandises n’ayant plus comme objectif d’enrichir l’un au détriment d’un
autre, mais de satisfaire l’un et l’autre simultanément ! Avec en plus
l’enrichissement relationnel et le renforcement du lien social.
Que la Fête des savoirs puisse lancer cette dynamique
d’échanges entre les humains et depuis l’enfance !
L’École pourrait s’en emparer, comme elle le fait pour
d’autres fêtes.
*****
Laurence Baranski
Cofondatrice de interactions Transformations
personnelles/Transformations sociales
La démarche des RERS, coopérative, humaine, ancrée dans la
réalité de nos vies, et apprenante, me semble incontournable et ô combien
utile dans les transformations en cours.
*****
André De Peretti
Chercheur, écrivain, pédagogue, philosophe
Une fête des savoirs partagés. Relier fête, savoirs et
partage
La première chose, c’est que vous
reliez, dans votre titre même d’une « Fête des Savoirs partagés », la
notion de fête (des joies, des jeux, des danses…), la notion de savoir et la
notion de partage. Les savoirs, eux mêmes, ont une multiplicité de conceptions
possibles et donc de partages possibles. Joie, jeux et à la fois pragmatisme,
du concret : c’est la fête, c’est du vécu, ce n’est pas une abstraction.
Très souvent, la tendance française est d’abstraire les savoirs au dépend de
ceux qui n’ont pas (du fait de leur histoire ?) appris à abstraire. Au
contraire, votre idée « juste », c’est qu’il y a une association qui
apparaît de plus en plus forte entre le pragmatique, l’esthétique et l’éthique…
et tout cela se met « ensemble » dans une boucle – certains parlent
de « boucle étrange ». Cet ensemble correspond, d’ailleurs, à ce que
Nietzsche avait appelé « Le Gai savoir». La réalité, c’est donc
que « les savoirs », c’est un monde complexe dans lequel il y a à la
fois des séparations, des oublis et des jonctions, des rencontres et des
renouvellements. En particulier, on oublie trop souvent que le mot savoir vient
du latin sapere : saveur. C’est
d’abord une saveur, le concret de quelque chose que l’on apprécie.
Effectivement, quand on suit une conférence ou un cours, quand ça plait, quand
ça convient, quand le savoir n’est pas quelque chose qui défile à grande
vitesse, c’est que l’on a pris soin de vivre ensemble la saveur, pris le temps,
ensemble, justement, que ca devienne une saveur, que ça devienne quelque chose
de sensible.
Le savoir, c’est une
multiplicité !
Savoir, saveur et savoir : ce
n’est pas simplement du savoir abstrait, c’est du savoir-faire. Trop souvent,
en France, c’est le savoir abstrait qui l’emporte. Les universités enferment
les étudiants dans le savoir abstrait quand il faut ensuite passer à la
pratique. Par exemple, pour devenir professeur : les universités se sont
arrangées pour supprimer cette formation à la pratique. Nous savons tous la
complexité de l’enseignement, un professeur sérieux doit faire attention à une
variété d’une vingtaine, d’une trentaine, d’enfants, de jeunes, d’adolescents,
d’adultes, de jeunes adultes. Comment faire que le savoir auquel on va
travailler avec eux sera aussi mobilisable en savoir-faire, en savoir-être, en
savoir-devenir ? Le savoir, dans ces quatre aspects-là, on l’avait célébré
au colloque d’Amiens[1] que j’avais organisé avec
un professeur responsable de l’académie d’Amiens. Encore maintenant
l’orientation professionnelle n’est pas prise en compte, le savoir professionnel
n’est pas pris en compte. Ce qui fait que des jeunes obtiennent leur bac puis
s’orientent n’importe où, dans n’importe quelle université, sur des envies ou
sur la proximité, ou encore à partir des intentions familiales ; c’est
effectivement une perte de temps, ils abandonnent. Ils reprennent peut être
cinq ans plus tard, dix ans plus tard… mais on a perdu du temps, des moyens. Et
négligé ce fait que, justement, l’évaluation doit permettre l’orientation
réelle ; doit permettre d’indiquer que, dans cet endroit, on a des chances
et que, si on s’intéresse à ça, attention, il faut travailler ça et ça.
Abstraction, oui, et, de ce fait, ne pas tenir compte de la variétés des élèves
d’une classe : chaque élève a des sentiments différents, a une famille
différente, a une santé différente, a une mémoire différente... C’est le mythe identitaire : on
voudrait que chaque élève apprenne la même chose que les autres, de la même
manière, au même moment, quel que soit le lieu en France, et que chaque
enseignant enseigne de la même manière, à tous les élèves, au même moment et de
la même façon ! Ce mythe est incroyable ! Il continue à exister, il
est souvent soutenu par les parents, beaucoup plus que par les enseignants qui
ont plus de souplesse et plus de métier, bien sûr. Cette réduction des
possibles, cette uniformisation, ce mythe identitaire, c’était le mythe
nazi : tous les gens sont identiques - et les autres ne valent rien, ils
sont à éliminer. C’est le système des castes qui continuent à sévir aux Indes.
Ce mythe identitaire empêche de voir ce qui peut être un « plus »
important pour tel élève, plus important pour tel autre… J’ai vu des
organisations, dans certains établissements, permettant aux élèves d’être en
classe de 6ème pour une discipline dans laquelle ils étaient
débutants et en cinquième pour une discipline sur laquelle ils avaient pris de
l’avance. Donc des souplesses de passage, un trajet personnalisé pour chacun,
avec des organisations, des partages de rôles entre les élèves. Car on ne
partage pas simplement des savoirs, mais aussi des savoir- faire, des rôles
afin que chaque élève puisse sentir qu’il a quelques chose à faire pour les
autres : ça le renforce, ça l’encourage. Que chaque élève sente qu’il a
besoin de ses camarades, qu’en sens inverse, il va leur offrir quelque chose
d’autre. Cette réciprocité, qui est au cœur de ce que vous faites, est
effectivement très importante. J’aime à citer un mot de Paul CLAUDEL, mon ami
Paul CLAUDEL : la connaissance, le savoir, c’est une co-naissance,
ensemble. Même l’enseignant va apprendre, va découvrir...
Réunifier et relier les disciplines
On est en plein bouleversement. Au 19ème
siècle, Auguste Comte, polytechnicien, a classé et séparé les disciplines en
six disciplines. Ce qui fait que, quand j’ai commencé à m’occuper de la
formation des personnels de l’université, je me suis trouvé devant les six
disciplines des facultés de sciences, facultés de lettre, facultés de médecine,
etc. Elles étaient complètement séparées les unes des autres. Cela a été une
bataille pour les réunifier, après 68 par mon ami Edgar Faure, dans une loi
votée à l’unanimité (phénomène français rarissime) mais elle a commencé à être
appliquée dans la pagaille, chaque université voulant garder « sa »
partie, la seule université plurielle a été celle d’Alsace à Strasbourg, à
cause des précédents allemands où tout était organisé dans une forme de
concordance. Mais en France non ! J’ai fait des formations multiples, j’ai
lu des écrits, j’ai fait passé des thèses… toujours ce maintien d’une certaine dispersion,
d’une certaine autonomie, d’une certaine séparation et, en même temps, des
rivalités entre ces « morceaux d’universités » peu complètes. Bien
sûr, cela progresse mais on en est loin d’en avoir fini. Et, surtout, on se
trouve à un moment de bondissement des techno-sciences, le web de tous les
cotés, des possibilités liées aux technologies informatiques… et ça va se faire
sans concertations, les uns contre les autres, à la française, mais enfin, dans
ces changements, dans ces réalités complexes, il y a bien un changement
considérable… Mais un changement qui risque d’être raté s’il n’y a pas,
justement, ce choix du partage que vous soutenez, de la réciprocité. De la
réciprocité : chacun apporte quelque chose, chacun est, en effet, porteur
de quelque chose. A cet égard, je suis toujours heureux d’avoir une devise
familiale, de ma famille corse, qui est « Parpari referetur » :
« l’égal est rendu à l’égal ». C’est-à-dire que l’on n’est ni
au-dessus d’un berger ni au-dessous, ni au-dessus d’un prince ni au-dessous, ni
au-dessus d’un enfant, ni au-dessous. On est, à chaque instant, à devoir se
mettre à la réelle dimension de la personne, des personnes, des groupes, a fortiori de ceux avec lesquels on
travaille. « Parpari referetur ». Cela me plait comme attitude de
réciprocité vécue ; de partage. Mais, effectivement ; on n’est pas
toujours loyal à l’égard de ses propres valeurs, on est parfois un peu trop
égocentrique !
Résister
Je
dirais deux choses pour finir. Mon prochain livre traite de la double hélice
des civilisations. Il y a une hélice des positivités et toujours une hélice
accrochée des négativités. Mais la bataille, c’est d’inverser ces négativités. La bataille, c’est d’optimiser les
positivités, un militantisme reposant sur un optimisme de résistance. La résistance, phénomène
important ! Lorsque, lors de la guerre de 39-45, nous avons été conduits
en captivité, je n’ai pas voulu entrer au « Cercle Pétain » qui
s’organisait. J’avais entendu dire que Vichy, allait empêcher qu’il y ait des
syndicats. Tout de suite, en arrivant dans un des camps, après avoir fait
quelques conférences et poésie malgré mon jeune âge, je me suis mis à faire une
pièce dès décembre 1940. Pour justement dire qu’il n’y a qu’une seule défaite,
c’est de devenir semblable à son adversaire. Donc rejet du nazisme, on n’a pas
perdu la guerre, on a perdu une bataille. Optimisme
de résistance. Je continue à prêcher, si j’ose dire, avec ardeur, en faveur
de cet optimisme de résistance où l’on joue ensemble un air majestueux de
résistance. Ma pièce a été jouée devant plusieurs milliers de camarades, elle a
été emportée par l’un d’eux devenu le trésorier de la résistance et qui a pu la
faire jouer à la comédie française. Son nom : « La légende du
chevalier Géraud ». Ma pièce est rejouée, une année plus tard, toujours
mise en scène par Julien Bertheau, jouée par des élèves d’HEC. C’était le 30
mai 1944, c’est-à-dire à six jours du débarquement. A la sortie, plusieurs
jeunes ont dit « Je tenterai de rentrer dans la résistance ». J’ai
su, hélas, à mon retour, que plusieurs faisaient partie des fusillés du bois de
Boulogne. Vous devinez, ma tristesse. Mais, cette bataille était de garder la
fierté nationale, de ne pas nous laisser abattre, de faire confiance et de
savoir qu’on pourrait toucher deux millions de français prisonniers.
Revenons
à « une fête des savoirs partagés »
Une fête pour rappeler qu’un enseignant partage
son savoir avec des jeunes si ce n’est pas une imposition purement abstraite,
purement détachée du contexte vécu du jeune, de ses problèmes, de ses
aspirations possibles, de ses manières de voir l'avenir… Nous avons intérêt à
faire cette fête, à célébrer que le partage, cela vaut la peine. L'enseignement
est un beau métier mais très difficile et très courageux. Et que les enseignants
doivent ne plus se laisser séparer les uns et des autres comme les universités
le font ; comme les disciplines le sont. Penser à ce que cela veut dire,
pour un jeune, à qui on demande, toutes les heures, tous les 3/4 heure, de
changer de discipline, de changer d'endroit, de changer éventuellement de
registres… et on veut qu'à chaque instant il soit réceptif, il soit attentif,
il soit entraîné !
Quand j'avais la charge du département de
recherche en psychosociologie à l'INRP[2],
nous avons montré qu'on pouvait organiser le temps de façons complètements
différentes. Un enseignant pouvait avoir deux jours à consacrer à ses élèves
pour un enseignement long avec le temps des exercices et, pendant ce temps, ses
collègues font des enseignements brefs : aller à la bibliothèque, aller
voir telle chose, éventuellement aller en ville à tel musée, aller voir tel
chef d'entreprise, etc., il y a de quoi faire. On l’a fait dans plusieurs
centaines d'établissement et ça marchait partout. Une variété, des emplois du
temps qui pouvaient changer toutes les six semaines... Par exemple, est ce que
ça vaut la peine de faire faire aux élèves une heure d'arts plastiques par
semaine et une heure de musique par semaine, alors qu’il vaudrait mieux faire
deux heures d'arts plastiques un trimestre et deux heures de musique un autre
trimestre… Eviter ce morcellement dans lequel on happe les jeunes et dans
lequel, il ne peut y avoir de partage : c'est un découpage, on leur laisse
à peine le temps de s'asseoir, de s'accoutumer, de se dire qu’ils sont en
histoire et pof ! Ils sont en mathématiques, et pof ! Il faut aller
faire du dessin, et pof ! Il faut
aller faire de la gymnastique…
Ce
qu’une fête des savoirs partagés fait vivre, c’est justement une organisation éthique, un événement esthétique, une organisation pragmatique : c’est la richesse de
ce que nous pouvons ensemble concevoir
et pratiquer.
Claire
présente à André le projet de « Savoirs en fête » porté par FORESCO
et lui donne quelques exemples de fêtes réalisées. Il réagit à l’exemple de la
soudure à Arpajon.
Au
sujet de la soudure, je me souviens d’une action. C'était à Sèvres. Les élèves
allaient assister à des démonstrations de soudure. Puis, ils revenaient au
lycée. Là, leur professeur de physique leur expliquait les éléments de soudure
d'un point de vue scientifique. Un professeur de philosophie leur présentait
les notions de droit : les protections (les personnes qu'ils ont vu
travailler portaient-elles un masque ? Quelles étaient les
précautions ?, etc.). Donc, ils englobaient toute la réalité sociale du
vécu professionnel, de ses conditions, de ses aspects juridiques et
judiciaires, de ses aspects d’utilité… des procédures possibles. Ils voyaient,
ainsi, que toute action n'est pas une action au hasard mais qu'elle est inscrite
dans un partage social des savoirs dans la société.
Tout se tient de plus en plus
C'est le paradoxe. Tout
devient maintenant inter-relié, interactif et, en même temps, tout tend à
s'émietter. Il y a une telle puissance de création scientifique dans tous les
sens, de tous les côtés (il suffit de voir ces appareils d’enregistrement, là,
devant moi). Il y a une telle rapidité
mais aussi un tel émiettement. Une
telle séparation qu’il faut se mettre en garde. Veiller à rester dans
l'interaction sociétale. Donc dans la réalité humaniste par excellence. Il y a,
à la fois, de plus en plus de possibilités mais avec des inerties qui font que
les séparations tendent surtout à développer les contrôles, pour conserver les
pouvoirs multiples…
Claire : Votre réaction nous montre que nous pourrions aller plus
loin pour dire et montrer que tous les savoirs sont d'autant plus intéressants
qu’ils sont reliés entre eux.
Que dire à… ?
Que diriez-vous 1. À des jeunes, pour les inviter à participer à une
fête des savoirs partagés 2. À nos concitoyens adultes 3. A des enseignants et.
Aux institutions de formations que sont l'école, les universités et les
associations d’éducation populaire 4. À la presse, pour que nous puissions être
entendus en fonction des intérêts plus spécifiques de tous ces corps de
métier ? 5. aux politiques ?
1. Aux jeunes, je leur dirais, le
chant de ma jeunesse, la vie est belle, chantons amis, la vie est belle. Je
fais dans quelques jours une conférence sur la guerre de 39/45 à des élèves de
troisième qui m'ont demandé de venir leur parler ; Je commencerai par leur
montrer qu’en 39, ce qui s'est passé, c'est il y avait un enthousiasme des
jeunes, par exemple avec la jeunesse étudiante chrétienne, se dressaient en
espérance. La vie est belle. C'est toujours à dire : attends, la vie est
belle et les savoirs peuvent contribuer à l'embellir
2. À nos concitoyens adultes ? Je leur dirais ceci : à
l'heure actuelle, nous constatons que le pouvoir réel est exercé par les
médias. Nous sommes dans une médiacratie, mais hélas, ça peut être une
médiocratie. Il faut faire très attention au fait que la tendance des médias,
c'est d’insister sur tout ce qui ne va pas et d’omettre le positif. Il y a le
négatif et il y a le positif, cette double hélice entre les positivités et les
négativités. Mais ne mettre en lumière que des négativités, ce n'est pas
possible. Cette soumission à la négativité qui vous est imposée, vous ne devez
pas l'accepter. Vous devez protester auprès des publicitaires, protester auprès
des médias, pour qu'il y ait un équilibre, pour qu'il y ait obligation à dire
ce qui va bien à et à dire les choses intéressantes. Ça se fait un peu mais pas
dans toutes les émissions et largement pas assez par rapport à l'énormité des
difficultés, des horreurs, les attentats, les mépris sans cesse véhiculés… L'honneur d'un informateur,
c'est de savoir qu'il y a des choses qu'on ne diffuse pas. De la même manière
que d'ailleurs, ça, ils le respectent, ils ne montrent pas la manière dont on
coupe la tête des malheureux victimes d'un islamisme insensé et contraire à
l'islam. Vous, adultes citoyens, aidez-notre société à sortir de ce mépris
véhiculé par les médias, aidez à montrer tout ce qui va bien au niveau des
savoir-faire, au niveau des connaissances, au niveau des compréhensions dans la
société française.
3. A des enseignants ? À des enseignants, je dirais
ceci : c'est votre fête ! C'est votre fête, vous faites un travail de
plus en plus indispensable, de plus en plus difficile, parce que les jeunes
sont de plus en plus difficiles. Je le vois avec mes plus jeunes
petits-enfants : ils bougent tout le temps, ils sont mal polis quelles que
soient les familles, il y a une violence chez les jeunes dès l’âge de six, sept
ans. Ils regardent la télévision à longueur de journée, etc. Tout cela fait que
c'est difficile. Il faut absolument honorer les enseignants. Il faut que cette
fête soit en l'honneur des enseignants, en l'honneur des formateurs. Vous
voulez vous adresser aux enseignants, dites-leur que leur honneur est en cause.
4. Aux politiques ? Il faut qu’on y aille ! Je
crois que les politiques s'aperçoivent que, quels qu'ils soient, ils sont
toujours l'objet d'autant de critiques. Mais ce n'est pas facile, notre vie
politique n'a jamais été facile mais, à l'heure actuelle, c’est difficile de
renforcer les débats entre les « morceaux » de la nation. Qu’il y ait
des tendances différentes, oui ! Mais qu'il y ait un rejet si radical des
autres points de vue, de si rares tentatives pour se mettre d'accord au bénéfice
du pays, au bénéfice de la nation, au bénéfice des gens ! Répondre aux
besoins des gens exige un apaisement. Que les différences existent, mais,
justement la variété implique la dialogue. Qu'il y ait un esprit dialogique
entre les propositions différentes. Que l’on accepte d'avoir des idées
différentes d'une autre personne et réciproquement. C'est ce que TEILHARD de
CHARDIN m'avait apporté : il faut cheminer avec les autres, nous
disait-il, mais ne pas chercher à les posséder ou à les convertir. Chercher à
les aider à monter dans leur propre valeur. Plus ils montent dans leurs
valeurs, plus on va se rejoindre. Ce n'est pas une séparation, c'est au
contraire en convergence. Les sciences montrent bien cette convergence qui est
de plus en plus inhérente à la culture scientifique et à la culture humaniste.
5. Et aux journalistes ? Il faut leur montrer votre
rayonnement mondial ; en leur disant « Nous avons commencé notre
action d'échanges réciproques de savoirs dans la région parisienne. Maintenant,
c'est diffusé à l'échelle mondiale. Il est important qu’un tel développement
puisse être, justement, compris en France d'où il est parti.
*****
Anne Vinérier
Fondatrice de la
« Chaine des savoirs », militante et professionnelle de la lutte
contre l’illettrisme
Une fête annuelle des savoirs
partagés ?
Quelle
belle idée pour dire oui au savoir pour tous et avec tous ! Cette idée me
séduit car elle est porteuse d’une autre conception du savoir dans ce monde
marqué par la compétition.
Savoirs partagés…
c'est-à-dire savoirs reconnus sans hiérarchie dans les savoirs, sans hiérarchie
entre les porteurs de savoirs.
Savoirs
partagés… c'est-à-dire savoirs qui s’échangent
et qui créent de la relation, élément essentiel à la construction de soi
et à la construction du monde.
Savoirs
partagés… c'est-à-dire savoirs qui développent un monde solidaire.
Une fête annuelle ?
Ce serait
l’occasion de souligner que les savoirs s’acquièrent et se construisent
ensemble, que la fête –et avec elle, la convivialité- sont des éléments essentiels dans la construction et la reconnaissance des
savoirs.
Ce serait
aussi l’occasion de dire publiquement
qu’il est de la responsabilité de chacun de favoriser l’accès aux
savoirs et je pense particulièrement aux personnes qui n’ont pas pu accéder aux
savoirs de base que sont la lecture, l’écrit et le calcul dans une société de
l’écrit.
Ce serait l’occasion de rappeler quelques messages à ceux que nous avons élus pour nous représenter : que cette philosophie du partage des savoirs se décline dans l’organisation sociale et politique ; que les élus soutiennent de manière effective les citoyens qui s’engagent dans la dynamique des savoirs partagés.
Ce serait l’occasion de rappeler quelques messages à ceux que nous avons élus pour nous représenter : que cette philosophie du partage des savoirs se décline dans l’organisation sociale et politique ; que les élus soutiennent de manière effective les citoyens qui s’engagent dans la dynamique des savoirs partagés.
L’idée d’une fête annuelle serait aussi une manière de dire que notre
société a besoin de sens et partager son savoir donne du sens autant à celui qui donne
qu’à celui qui reçoit.
*****
Dominique Fauconnier
Consultant. Fondateur
de l’Atelier des Métiers
Les Réseaux d'Échanges Réciproques de
Savoirs sont basés sur une dissociation entre l'offre et la demande. Du coup,
ce qui compte, lorsque je donne et lorsque je reçois, c'est plus la personne à
qui je donne quelque chose, ici un savoir, ou de qui j'accepte un don que
"l'objet" donné ou reçu lui-même. Cette simple règle a l'immense
avantage de placer les savoirs des uns et des autres a priori au même niveau et d'en permettre la circulation et les
transformations tout en tissant et retissant des liens entre les personnes qui
les pratiquent. Partout où j'ai rencontré des personnes pratiquant – oui, il
s'agit bien ici d'une pratique – les échanges réciproques de
savoirs, j'ai perçu le plaisir de vivre en société. A une époque où chacun va
disant que nous nous individualiserions, je trouve que ce n'est pas rien.
*****
Philippe Carré
Professeur, Université Paris Ouest Nanterre
Professeur, Université Paris Ouest Nanterre
Chers amis,
Quel plaisir de
constater que le réseau fonctionne et se développe en cette période un peu
trouble où, hormis les problématiques de l’emploi et du travail, il reste bien
peu de place pour ce qui a été en d’autres temps qualifié d’éducation populaire
et de développement culturel. Bravo pour la fête des savoirs, et merci pour
votre ténacité. Nous nous ferons l’écho, au sein de notre équipe de recherche
“Apprenance et formation” (28 doctorants et 5 directeurs de thèse) de cette
initiative à laquelle il serait sans doute possible, avec d’autres, de
contribuer au plan universitaire si nécessaire. Un grand colloque sur le
devenir de l’éducation populaire dans les années à venir ?
Claire et Marc Héber-Suffrin
Cofondateurs des
Réseaux d’échanges réciproques de savoirs
Qui voulons-nous fêter ? Que
voulons-nous fêter ?
Tous ces humains, femmes, hommes,
jeunes, enfants qui, par leur vie quotidienne, leurs expériences, leurs
apprentissages, leurs recherches, leurs transmissions, leurs questions, leurs
courages… ont construit une richesse
insoupçonnée, insoupçonnable en connaissances, en savoir-faire, en savoir-être,
cette richesse qui fait la société dans laquelle nous vivons, cette société qui
ne sait pas assez les reconnaitre tous, ces savoirs reçus, comme incomparables,
uniques, essentiels pour continuer à une vie ensemble digne pour tous.
Toutes ces belles relations de
bienveillance, de confiance, d’ouverture à des autruis différents, singuliers,
ces belles relations qui ont motivé à apprendre, invité à apprendre, accompagné
des apprentissages, apporté les reconnaissances nécessaires pour que des
humains se construisent, se forment…
Tous ces chemins (démarches,
parcours, méthodes, allers et retours, tâtonnements…) innombrables, divers,
intelligents… tous ces chemins d’apprentissages qui, mieux connus et mieux
reconnus pourraient davantage signifier à tout un chacun qu’il a à chercher ses
propres chemins, ses chemins singuliers d’apprentissages en s’inspirant de ceux
des autres, en sachant pouvoir compter sur les autres, comme d’autres pourront
compter sur lui.
Toutes ces joies d’apprendre, ces
désirs d’apprendre, ces plaisirs d’apprendre : partager l’expérience de
ces diverses formes de joie, la joie émerveillé de voir autrui comprendre, de
se voir réussir la transmission d’un savoir, de célébrer l’égalité des
intelligences. Nous constater aptes à réussir des apprentissages, à les réussir
dans la coopération, dans la réciprocité. Nous constater porteurs de la joie de
savoir et de la possibilité de partager cette joie. Aucune fête n’est possible
si l’expression de la joie n’est pas sollicitée, encouragée…
De quoi voulons-nous témoigner ? Que voulons-nous dire pour le
présent et de notre présent ?
Que tous les humains, s’ils sont
humains les uns avec les autres (et ceci avec tous), sont essentiels par leurs
savoirs.
Que le savoir n’est humain que
s’il est partagé, s’il entre dans un mouvement de réciprocité, qu’il crée des
égalités plutôt que des dominations, s’il donne de la fierté plutôt que de
casser par des humiliations… s’il entre dans un mouvement entre nous où chacun
donne et reçoit…
Que les savoirs (évidemment
seulement ceux qui respectent les humains et la paix entre les humains) sont,
par principe des biens communs, de « droit » pour tous : que
nous les avons reçus (et bien sûr construits en nous : c’est
« apprendre ») et que nous en sommes redevables à ceux qui nous ont
précédés comme à ceux qui nous suivent. Que des pratiques comme les nôtres (ou
d’autres) le créent « en réalité » (font d’un principe une réalité
vécue) des biens communs de droit pour tout un chacun : tout le monde a
droit à la philosophie, à des connaissances en histoire ou en sociologie, à des
savoir-faire en aquarelle ou en musique…
Que chaque apprentissage est une
aventure d’humanité, d’humanisation possible, singulière et relationnelle. Que
les belles relations sont une école.
Que la coopération entre
personnes nécessite elle-même des apprentissages persévérants. Que la
coopération entre collectifs doit, elle aussi, être apprise. Que la coopération
aide à entrer dans une démarche de « mouvement » sur la logique de
mise en réseaux de pratiques concrètes, locales et reliées.
Quelle société voulons-nous construire en « réclamant » une
fête annuelle des savoirs partagés ?
Une société apprenante : les
savoirs de tous, par tous, pour tous…
Une société où le don réciproque,
le don par chacun de ses savoirs signifie quelque chose en termes d’espérance,
d’amitié, de convivialité, d’humanité.
Une société qui lie fortement
responsabilités (qu’elles soient politiques, institutionnelles,
professionnelles, éducatives…) et apprentissages réciproques.
Une société apprenante peut aussi
permettre à ses membres d’apprendre la responsabilité de construire le peuple
démocrate et d’apprendre à participer au processus individuel et collectif
d’humanisation dès lors qu’aucun d’entre nous n’est à l’abri de l’expression de
sa part de barbarie. Par ses savoirs et ses apprentissages, tout un chacun doit
pouvoir participer, être invité, co-construire la société : il exerce
alors son droit et/ou son devoir d’apporter sa contribution positive au bien
commun : et là, nul ne doit manquer !
Avec qui voulons-nous la faire ?
Une fête des savoirs partagés
nous conduira à réclamer les contributions articulées de tous les acteurs de
l’éducation, de l’instruction, de la socialisation et de la formation
professionnelle.
Les professionnels de l’éducation
sont plusieurs millions dans ce pays, Richesse que l’on ne peut évaluer !
Ils pourraient inviter, et accompagner tous les élèves, les étudiants et les
adultes en formation à partager cette fête ; à célébrer ensemble le
partage des savoirs.
L’éducation populaire et ses
acteurs, soucieux à la fois des processus de solidarisation, de démocratisation
et de la nécessité des apprentissages peuvent se faire un vecteur essentiel de
cette fête et développer ainsi ses nécessaires coopérations avec les
institutions de formation.
Notre société est hétérogène.
Faire ainsi ensemble de cette hétérogénéité une chance pour chacun ! Ne
jamais oublier que « le multiple est le possible même » (Michel
Serres, Genèse) : quel possible ? : que nous puissions ensemble
créer cette société que nous appelons par nos pratiques quotidiennes, une
société où chacun peut se créer lui-même, être créateur (seul ou avec d’autres :
des créations artistiques, intellectuelles, associatives…) et contribuer à
créer notre société.
[1] Précédant
de près de deux mois les événements de mai 68, les travaux du colloque d’Amiens
éclairent d’un jour nouveau les changements pédagogiques envisagés dans la
lignée des grandes réformes structurelles gaulliennes des années 1960. L’appui
officiel à des propositions inspirées de l’Éducation nouvelle et leur
concrétisation partielle sous les ministères Faure et Guichard soulignent un
climat décisionnel plus contrasté qu’on ne l’a longtemps cru.
[2]
Institut national de la recherche pédagogique.